THÈMES DU NUMÉRO SPÉCIAL
Le commerce équitable vise à transformer les échanges marchands en vue d’une plus grande justice sociale et environnementale. Fondé sur le dialogue, la transparence et le respect, il participe à la transition socio-écologique en questionnant et en renouvelant les pratiques liées aux prix, qualités des produits, relations commerciales ou contrôles des filières (Blanchet et Carimentrand, 2012). Depuis son émergence aux lendemains de la Seconde guerre mondiale, le commerce équitable n’a eu de cesse de croître. Entre 2010 et 2020, son chiffre d’affaires fut multiplié par quatre ; en 2020, il s’élevait à 1,824 milliards d’euros, poursuivant ainsi une croissance à deux chiffres malgré la crise sanitaire liée à la pandémie mondiale de SARS-CoV-21. Ce développement du commerce équitable est allé de pair avec une reconfiguration de son périmètre :
1. De nouvelles catégories de produits : le commerce équitable s’est historiquement construit autour des produits artisanaux et agroalimentaires. Puis, il s’est progressivement élargi à d’autres produits, dont le bois, l’or, les cosmétiques, les fleurs et les ballons de sport (Carimentrand, 2012). Ainsi, l’appellation « commerce équitable » est utilisée de manière de plus en plus extensive pour englober des critères comme les conditions de travail dans les usines des filières textiles, le prix plancher pour les crédits carbones (Howard et al. 2016) ou encore les garanties de durabilité des téléphones (Jindra et al., 2019). Au-delà des produits, le commerce équitable touche aussi de plus en plus des services dans les domaines de l’éducation et du tourisme (Schéou, 2012). Ces nouveaux produits questionnent la confiance et le sens que les consommateurs donnent au commerce équitable (Andorfer et Liebe, 2012 ; Eberhardt et al. 2021 ; Coulibaly-Ballet et Tagbata, 2021). En outre, la montée en complexité conduit les acteurs du commerce équitable à questionner leur capacité à réguler l’ensemble de la chaîne de valeur et à se concentrer sur un nombre limité de composants (Jindra et al., 2019).
2. De nouveaux labels et cahiers des charges : l’essor du commerce équitable est passé par un développement des filières certifiées (Coulibaly-Ballet, 2021). Fairtrade International — Max Havelaar fut l’un des premiers labels de commerce équitable. Puis, d’autres ont émergé, donnant naissance à un marché des standards et des certifications (Reinecke et al, 2012). Parmi eux, les labels ingrédients, certifiant non pas un produit mais l’un de ses composants (comme le coton ou le cacao), occupent une place grandissante au sein du commerce équitable. Cette multiplication des labels s’est accompagnée d’une plus grande variété des modes de contrôle dans les filières : la traçabilité documentaire (mass balance) est venue compléter la traçabilité physique. En parallèle de cet essor des filières certifiées, certaines organisations prennent le parti de développer des formes de régulation des filières basées sur d’autres mécanismes que les labels, tels que la confiance ou des marques spécialisées.
1 https://www.commercequitable.org/le-commerce-equitable/quelques-chiffres/
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3. De nouveaux enjeux : le commerce équitable s’est initialement développé autour des questions de la rémunération des producteurs et des conditions de travail (cf. Guide International des Labels de Commerce équitable2). Son développement conduit à faire évoluer ces principes historiques. L’approche « living wages », par exemple, porte un regard renouvelé sur le concept de prix minimum garanti. Parallèlement, les enjeux environnementaux deviennent de plus en plus prégnants : la double labellisation « agriculture biologique » et « commerce équitable » touche 88% des produits labellisés3 ; certains labels (ex : Bio Équitable en France) intègrent directement les dimensions agroécologiques et équitables.
4. De nouveaux territoires : le commerce équitable s’est historiquement concentré sur la transformation des échanges internationaux Nord-Sud. Depuis une dizaine d’années, de nouvelles initiatives éclosent pour développer des initiatives de commerce équitable Sud-Sud et Nord-Nord (Ballet et al., 2012). En France, la Loi sur l’économie sociale et solidaire du 31 juillet 2014 englobe l’ensemble de ces initiatives inter- et intra-régionales. En définitive, le commerce équitable sert désormais d’outil pour transformer l’économie au niveau international, national et local.
5. De nouvelles formes d’interventions publiques : le commerce équitable s’est originellement développé au sein de la société civile. Depuis une quinzaine d’années, l’État français joue néanmoins un rôle grandissant dans sa régulation. La Loi du 2 août 2005 sur les PME le dote d’une définition légale ; la Loi du 31 juillet 2014 sur l’économie sociale et solidaire l’étend aux relations avec tous les producteurs (y compris avec les producteurs français), et régule l’utilisation de l’allégation équitable ; la Loi du 6 août 2015 sur la croissance, l’activité et l’égalité des chances fixe un cadre pour la reconnaissance de ses labels. En plus de cette législation, les collectivités territoriales mènent des politiques publiques pour développer des achats responsables ou des « territoires de commerce équitable » inspirés du principe des « Fairtrade towns » (Rolland, 2015 ; Ballet et Carimentrand, 2019).
Les recherches antérieures ont surtout étudié ce développement du commerce équitable à l’aune de sa conventionnalisation (mainstreaming) (Raynolds, 2009 ; Le Velly, 2015). Elles éclairent les enjeux liés à une participation accrue d’acteurs conventionnels (multinationales, grande distribution, etc.). En particulier, elles pointent les risques d’une récupération de la critique du commerce équitable par le capitalisme (Reinecke, 2010), la reconfiguration des relations de pouvoir au sein des filières (Blanchet, 2010) et la résistance des acteurs face à ces changements (Robert-Demontrond et Joyeau, 2010). En plus de ces questions essentielles, le présent numéro spécial souhaite mettre l’accent sur des enjeux moins discutés dans la littérature.
2 https://www.commercequitable.org/actualites/commerce-equitable-france-publie-le-guide-international-des-labels-de-commerce-equitable/
3 https://www.commercequitable.org/wp-content/uploads/observatoire-du-commerce-equitable-2020/cef-observatoireduce-2021.pdf
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PRINCIPALES QUESTIONS
Déjà objet d’interprétations ambiguës (Robert-Demontrond et Joyau, 2007), le développement du commerce équitable rend plus prégnantes encore les questions sur la définition, les frontières et les acteurs de cette catégorie de marché.
Quelles sont les convergences et les divergences entre le commerce équitable et d’autres initiatives telles que l’agriculture biologique, les circuits courts, etc. ? Vers quels nouveaux produits ou services s’étend le commerce équitable ? Quel sens les consommateurs donnent-ils aux nouveaux périmètres de cette catégorie de marché ? Quelles sont les conséquences sur leurs pratiques ? En quoi les nouveaux périmètres du commerce influencent-ils les stratégies des organisations (et réciproquement) ?
L’argument pragmatique d’une efficacité supérieure et d’un impact accru est souvent avancé pour justifier le développement des filières certifiées et l’émergence des labels "ingrédients".
Quels sont les impacts des nouveaux périmètres du commerce équitable sur les producteurs ? sur les marchés concernés ? Quelles sont les nouvelles pratiques de contrôle, de traçabilité ou de certification ?
De plus en plus, le commerce équitable rompt avec la tradition d’échanges Nord-Sud :
Quels sont les enjeux du commerce équitable Nord-Nord ou Sud-Sud ? Comment développer des filières équitables françaises ? Comment transformer les relations de pouvoir au sein des échanges (inter-)nationaux ? Etc.
L’urgence climatique, la crise sanitaire, la lutte contre les discriminations ou encore les guerres font émerger de nouveaux enjeux sociétaux :
Comment les nouveaux périmètres du commerce équitable intègrent-ils de nouveaux enjeux ? En quoi cette intégration ambitionne-t-elle de transformer les pratiques au sein des marchés ? En quoi les perspectives postcoloniales, féministes, écologiques, etc. éclairent ces enjeux ? Etc.
La multiplication des acteurs, la différenciation de leurs pratiques et la variété de leurs engagements posent la question de la régulation du commerce équitable :
Quels mécanismes de concertation, de coordination et de gouvernance participent à la régulation des nouveaux périmètres du commerce équitable ? Quels rôles jouent la soft law et la hard law ? Quels rôles jouent l’État et les collectivités territoriales ? Etc.
Cette liste de questions demeure ouverte : le numéro spécial est ouvert à d’autres problématisations liées aux nouveaux périmètres du commerce équitable.
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CALENDRIER
Le calendrier indicatif est calculé sur la base d’un processus d’évaluation en double aveugle, conformément aux principes de la ROR.
31 décembre 2021. Échéance pour la soumission des articles.
Mi-février 2022. Envoi des évaluations aux auteur·es (tour 1)
Fin mai 2022. Soumission de l’article révisé
Fin juin 2022. Envoi des évaluations aux auteur·es (tour 2)
Début octobre 2022. Soumission de l’article finalisé
Début décembre 2022. Publication du numéro spécial dans la ROR
SOUMISSION ET PUBLICATION DES ARTICLES
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La ROR publie des articles issus des différentes disciplines des sciences humaines et sociales, dont les sciences de gestion, l’économie, la sociologie, l’anthropologie, la géographie, l’histoire, la science politique et le droit.
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Les manuscrits doivent être adressés à ror.revue@gmail.com au plus tard le 31 décembre 2021.